dimanche 10 janvier 2010

Chut ! Ma femme dort là-haut !


Noceur impénitent, mon voisin Filibert avait juré à sa femme Yvonne, devenue sage trop tôt à son goût, qu’il n’avait nullement l’intention de vieillir avec elle. Il sortirait chaque soir, ce qu’il lui annonça “solennellement”, afin qu’elle ne l’ignore.
A toutes les fois, il avait soin de lui dire en partant, et avec une bise sur le front, qu’il rentrerait tôt ; or tous les soirs, elle semblait toutefois étonnée:

“--Tu sors ?”
“--M’oui,Yvonne, je sors ; mais tu le sais bien. Je vais faire ma partie de bézigue avec ces messieurs …”

La pauvre n’étant pas du genre à contrarier son mari, n’avait jamais osé lui demander qui étaient “ces messieurs” auxquels il se référait.
En réalité, ces amis existaient parfaitement, et se réunissaient chez [l'ami Paulo] chaque soir, autour d’une table de jeu, sauf Filibert, qui allait plus loin, mais ne souhaitant pas que sa voiture fût repérée dans l’aire de stationnement d’une maison close, notre soi-disant joueur se garait chez Paulo, qui possédait une bogota [vieille bagnole] et le conduisait, moyennant quelques litres d’essence en échange, à la "Diosa del Mar", une maison close où l‘attendait sa “protégée“ pour un petit entretien à huis clos. Le fidèle Paulo le ramenait ensuite, après quoi il remontait dans sa voiture pour rentrer au bercail, tandis que Paulo regagnait sa place autour de la table de jeu.
Un soir de beuverie, Filibert avait poussé son audace à introduire une catin dans le domicile conjugal. En entrant dans le rez-de-chaussée sur la pointe des pieds, il chuchota à cette dernière qu’il ne fallait absolument pas faire de bruit:

“--Chut ! Ma femme dort là-haut !”

Ce qui précède serait dépourvu d’intérèt si l’intrépide Filibert n’avait invité son Yvonne au restaurant pour célébrer leur anniversaire de mariage. Or, au retour de ce repas durant lequel ils avaient dansé joue contre joue, Filibert, qui avait un peu trop bu, chuchota ces mots en passant le seuil du rez-de-chaussée:

“--Chut ! Ma femme dort là-haut !“

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire