vendredi 27 novembre 2009

La cravate

Un taliban perdu au milieu d'un desert, vit dans le lointain un oasis, et s'y précipita avec le peu d'énergie qu'il lui restait. A l'entrée de l'oasis, il vit un vieux [un juif], et lui dit qu'il avait soif et désirait lui acheter de l'eau.

"--Malheureusement, lui repondit le vieux, je ne vends que des cravates ; elles ne sont pas chères, et je vous en laisse une pour seulement cinq dollars!"

Furieux, le taliban menace de l'égorger s'il ne lui indique pas un bar où il pourrait trouver de l'eau à acheter. Le vieux lui montre une colline située à cinq kilomètres de là, et lui dit qu'à l'
autre versant, il y avait un restaurant où il serait servi...

Deux heures plus tard, le taliban revenait, moribond, un oeil au beurre noir l'empêchant de bien voir, et dit au vieux: " J'ai voulu me faire servir là-bas, mais votre frère m'a expliqué qu' il ne servait pas les clients qui se présentaient dans son restaurant sans cravate. J'ai exhibé mon couteau pour l'intimider, mais il était un champion en Judo, et m'a presque tué"...
Alors, de grâce auriez-vous une cravate à me vendre?

jeudi 19 novembre 2009

Le Postulant

A cette époque-là, dite des resquilleurs, il suffisait qu’un aspirant désireux d’entrer à l’université de son choix, se fit recommander par un parrain-macoute, pour qu’il fût admis à y faire ses études. Naturellement, il fallait [au moins, pour le principe], qu’il se présentât à la salle d’examen.
Le fils de mon voisin, un brillant jeune homme qui tint la tête de sa classe depuis la douzième, jusqu'à la classe de philo, où il allait encotre une fois être le laureat, puis couronné à la distribution des prix [Accessit de Calcul - Accessit de Grammaire - Accessit d’anglais. Prix d’honneur !], n'avait pourtant pas été reçu, en dépit de tout ce qui précède!

Son ami pourtant, élève médiocre, avait pu passer son bac de justesse, et encore après que notre lauréat l’ait beaucoup guidé durant les révisions de toutes ses matières, puis avait été admis à l'université, avec cette variante, qu'il avait été dirigé vers la mauvaise école!

Après avoir célébré leurs succès au bac, les deux copains s’inscrivirent chacun à l’université de son choix ; le Lauréat, à la Faculté des Sciences Appliquées, et l’autre, à la Faculté de Médecine.
Quelques semaines plus tard, lorsque furent proclamés les résultats des épreuves d’admission, notre « fort-en-thèmes » avait obtenu des notes dignes d’un cancre, tandis que le nom de l’autre ne figurait sur aucune liste à l’école de Médecine, où il avait pourtant passé ses examens. A la fin de la journée, quand un ami de ce dernier l’appela pour le féliciter d’avoir été reçu aux Sciences Appliquées, ce dernier s’en étonna évidemment, puis le mentionna à son père, qui se rendit immédiatement au Palais National, pour se plaindre au président, qu’on s’était foutu de son garçon.

« --Ki pwoblem ou ankô, lui demanda celui-ci ? » / « Quel est encore votre problème ?»

« --An ben, ekselans, ti gason m'nan te konpozé lan fakilté medsin, époutan se lan Fakilté dé sians yo voyé-l ! » / « Bien, Excellence, mon fils a composé à la Faculté de Médecine, pourtant ils l’ont mis à la Faculté des Sciences Appliquées !»

Immédiatement, le président téléphona à un responsable du Bureau des Examens, à qui il exposa la situation de son jeune protégé.
Il y avait eu une erreur en effet, mais il était hélas, déjà trop tard pour faire quoi que ce soit, les résultats ayant été déjà publiés.

Alors, ayant raccroché, puis se tournant vers son ami, le président exaspéré lui dit tout simplement ceci :

« --Gadé non ou-menm ; ba moun zorey yo ! Yo mété ti bway la lan jéni, kité li fè jéni ! » / «--Dites donc : de quoi vous plaignez-vous ? Votre garçon a été admis à la Faculté des Sciences, alors laissez-le faire ses études de Génie, et foutez-moi la paix ! »

samedi 14 novembre 2009

L'ANGE GARDIEN



Libre à ceux-là qui n’y croient pas à l'Ange Gardien ; moi, je suis convaincu que le mien m’a plusieurs fois sauvé la vie!
Ce matin-là, j’allais traverser la rue Geffrard [venant de la rue Villate], lorsqu’une voix m’appela avec insistance :

« --Messieu Lisyen … Messieu Lisyen ! »

Je ne m’arrête généralement pas quand on m’appelle dans la rue, surtout quand je soupçonne qu’il s’agit probablement d’un tapeur. Je m’étais pourtant arrêté, or cette personne voulait seulement me dire bonjour!
A ce moment, je vis comme un éclair traverser cette intersection, qui fut suivi d’un cri d’horreur unissant les voix des marchandes qui etaient assises comme toujours à même la chaussée, au milieu de leur marchandise. Un cri bref, l’espace d’un cillement, puis plus rien. Suivit alors le bruit sourd que fit ce mastodonte, quand il buta contre le mur d’enceinte d’une propriété sise en face de l'église Saint Jean Bosco [rue Lambert, Petion-Ville], arrêtant ainsi sa course meurtrière. Notons que le chauffeur avait sauté deux blocs plus haut !
La boutique d’un boss cordonnier avait été aplatie, même que les badauds cherchaient entre les roues du véhicule immobilisé, les restes de ce malheureux, lorsque venant de la foule, une voix cria soudain :

« Apa boss-la ap vini byen pwop! »

Ce dernier avait eu la vie sauve, grâce à son Ange Gardien évidemment, mais également grâce à cette imprévoyance viscérale aux artisans d’ici ; comme d’habitude, il était tombé en panne de colle et avait dû s’absenter [ici on dit se déplacer !] pour s‘en procurer chez le détaillant du coin.
Moi, je m'accroche à cette explication, qui est celle de la protection que donne à chacun de nous son Ange Gardien!

mardi 10 novembre 2009

La peau de l'ours



Tous les ans, pour la fête patronale de Furcy, en l’occurrence la Saint Michel Archange, les amis du Président [Magloire] faisaient chercher un groupe musical « La Boule de Feu » [le même chaque année], qui avait pour mission d'assurer l’animation de cette fête champêtre. C’était le règne du geste large, où l’administration en place ne lésinait pas pour les débours, et naturellement, la fête de Furcy figurait en lettres rouges chez le maestro de l’orchestre, en tête de son budget annuel. A la fin du bal, l’un des chambellans faisait signe au chef d’orchestre qu’il pouvait arrêter de jouer, et vienne toucher son salaire. Laissant dehors ses musiciens, il entrait seul pour prendre l’argent, puis avant de ressortir, en faisait deux parts : l’une qu’il enfouissait dans sa poche, et l’autre, qu’il distribuerait à ses partenaires en ressortant.
Le partage n’était jamais équitable certes, mais quand on y pense, il n’était pas donné à tout le monde de jouer pour le chef de l’Etat !
Cette année-là, personne n’étant venu chercher l’orchestre pour des raisons qu’on ignore, le maestro alla donc proposer à un chauffeur de taptap qu’il transporte son groupe là-haut, moyennant paiement après que le Président lui aurait payé sa journée.
Réticent pour le principe, le chauffeur lui dit que ceci s’appelait vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué! Mais l’autre jurait qu’il savait ce qu’il faisait, et promit la somme de mille gourdes, en paiement du transport, une fortune à l’époque !
A ce prix-là, le propriétaire du véhicule fut d’accord …

Bref, les voilà partis, les cuivres bien astiqués, brillant comme de l’or, et pour ne pas perdre de temps, notre orchestre s’était mis à répéter les meilleurs morceaux de son répertoire durant le trajet: "--An ba pon pawa, sé la Kanson Fè rété..." etc., des titres que le président réclamait lui-même chaque année ! A l’orée du hameau de Furcy, il y avait certes un peu d’animation autour de l’église, mais rien toutefois qui pût présager qu’un chef d’Etat viendrait à la fête cette année.

Il était visible que le maestro était dans ses petits souliers, et à chaque bourdonnement de moteur qu’il entendait dans le lointain, le pauvre tendait le cou [et l’oreille] vers la route en lacets, mais tout comme sœur Anne, il ne voyait rien venir … Le propriétaire du taptap ne se donnant pourtant pas pour vaincu, allait proposer, à son tour, un marché au maestro :

« --Il y a ma fille ainée qui se marie ce soir, or je suis très embarrassé de ne pas pouvoir lui offrir un orchestre pour sa réception. Venez donc jouer chez moi, et nous serons quittes ! Qu’en dites-vous ?"

Le Mariage avait été un succès, les invités ayant dansé au rythme de La Boule de Feu. Et comme on dit, tout fut bien qui finit bien …

dimanche 8 novembre 2009

La débrouillardise

Durant les annees qui suivirent le premier exil de JB Aristide, l'embargo imposé pour punir les bourgeois, n'allait atteindre que les petites gens, tels les automobilistes, en général, et les chauffeurs de taxi, en particulier, dont ma belle-soeur l'institutrice avait toujours utilisé les services, n'ayant jamais eu ses propres moyens de transport. L'histoire qui va suivre nous a été rapportée par notre chère Mademoiselle, ce titre ayant été le sien toute sa vie durant.
Et puisque le personnage est réel, je l'appellerai par son vrai nom dans ce récit, tachant, autant que possible, d'utiliser les mots de notre chère Eglée, une sainte femme autentique:

"--Lorsque je pris place dans ce taxi, il y avait devant mes pieds, sur le plancher, une grande bouteille contenant quatre litres d'essence puis, retenue entre les cuisses du chauffeur, une autre bouteille de contenance égale, qui était remplie en partie, un long tube en plastique plongeant là dedans, dont le reste disparaissait sous le tableau de bord, le bout invisible sous le capot-moteur, étant "branché" à l'entrée du carburateur. Vu le coût de l'essence au marché noir, le pauvre homme ne pouvant évidemment se payer le plein d'essence via le réservoir du véhule, avait dû faire appel à cette ingeniosité qui nous caractérise, en court-circuitant le système d'alimentation.
Tout en conduisant, il fallait alors qu'il garde toujours un oeil sur le niveau du carburant [dont il tenait le contenant serré entre ses jambes], tandis que l'autre oeil devait évidemment regarder où il allait. A un moment de la durée, il devait s'excuser aupres de ses passagers, le temps pour lui de changer de bouteille! repartant ensuite, pour s'arrêter à la plus prochaine station-service, pour y faire remplir la bouteille épuisée.
On imagine alors aisément le danger réel des passagers, de se voir flamber comme des langoustes à la moindre étincelle!
Fort de ceci, n'est-il pas clair que le Bon Dieu nous a constamment à l'oeil?"

vendredi 6 novembre 2009

Le candidat de Cité Lakou Foumi

A l'approche des elections, le candidat de Lakou Foumi promit que s'il était élu Député de sa circonscription, il y amènerait l'electricité, et qu'il y en aurait à gogo. Lorsqu'on lui demanda la puissance qu'il y aurait de disponible, il répondit qu'elle serait de quarante kilomèt / heure ! [En passant, son parti se presente sous la bannière de la Lumière].
Lorsqu'on lui demanda s'il était confiant de pouvoir remporter l'élection, et s'il n'avait rien à ajouter, il répondit qu'il serait content qu'on l'aide à payer les pancartes qu'il avait commandées a l'artiste peintre, les supporters lui ayant donné un coup de barre au dernier moment.

Le candidat

Les elections s'annonçaient pour très bientôt, et le candidat Balibrachofê, très articulé devant les caméras de la télé, débitait les points forts de son programme pour la région qu'il allait representer comme pâle menteur ; il promettait, entre autres choses, la construction de ponts reliant des villes autrefois isolées du reste du pays.
Le médiateur de cette interview interrompit le candidat, pour lui dire qu'il devrait justifier la construction de ces ponts, vu que cette région dont il parlait était dépourvue de rivieres.
Alors, il répliqua, sans ciller:

"--Anben, kisa-k té gentan gen la-a? Yon rivyé, sépa anyen poum pa ka fè ! Annik mété kôb deyô, enpi fêm konfyans!"

jeudi 5 novembre 2009

Détrousseur de cadavres

Cette histoire a eu lieu dans une entreprise funéraire, derrière le guichet du préposé à la réception des habits [celui ou celle qui reçoit les vêtements que vont revêtir les défunts, avant de se faire voir dans leur ultime parade, l’exposition proprement dite], au son de beaux chants grégoriens choisis pour la circonstance.
Ce jour-là, cet employé venait de recevoir un magnifique complet bleu en casimir anglais, que les frères et sœurs du défunt lui offraient pour que ses obsèques soient une vraie réussite. Ceux-là vivant en diaspora, ne pouvant malheureusement pas être présents pour l’accompagner à sa dernière demeure, feraient chanter une messe dans leur paroisse bostonienne, pour le repos de l’âme de leur regretté disparu.
Ayant remis au porteur du costume un reçu qu’il venait de gribouiller, notre buraliste, qui ne perdait jamais un seul détail de toute situation qui se présentait, se réfugia derrière un paravent, où il quitta promptement le pantalon bleu qu’il portait ce jour-là, pour enfiler celui que l’on venait de lui confier.
Les choses s’étaient bien passées, le défunt ayant eu la vedette espérée. Vers la fin de la journée, le charognard qui n’y pensait déjà plus, referma tranquillement son bureau, puis affronta les embouteillages quotidiens pour regagner ensuite son domicile. Il avait la tête ailleurs lorsque sa femme lui rappela, sur son portable, qu’il n’y avait déjà plus de lait au frigo, et qu’il devrait en acheter en venant. L’homme prit note, et ne voulant pas s’arrêter pour si peu, en profita pour faire une bonne fois les emplettes de la semaine.
Il était à la caisse, prêt à payer, quand il fit le geste de tirer de sa poche son portefeuille … se tapotant toutes les autres poches comme un clown, ce qui fut vraiment inutile, aussi vrai que les appointements qu’il avait recus le matin, se trouvaient maintenant six pieds sous terre !

Eleveur En Herbe

Mon ami Ti-Emile avait rêvé un jour, comme cela nous arrive à tous à un moment de notre vie, qu’il se lancerait dans l’élevage. Considérait-il d’en faire une occupation passagère, qui ne durerait pas au-delà de ses vacances d’été à Kenscoff, ou alors découvrait-il son métier méconnu jusque-là, telle la vocation où un beau jour le Seigneur vous fait signe de le suivre? Je ne lui ai rien demandé, mais j’avais été simplement intrigué, en arrivant ce jour-là à Kenscoff, où j’allais me balader comme autrefois, quand la terre y était encore rouge, et l’on pouvait encore s’y promener à pieds, de l’apercevoir très absorbé par une longue discussion avec un paysan qui conduisait un troupeau de petit bétail.
Au moment de repartir, soit une heure plus tard, m’étant rendu compte que les pourparlers continuaient, je m’étais arrêté pour saluer mon ami, et naturellement lui demander s’il était en train de négocier le prix des ovinés confondus dont le troupeau était fait. Ti-Emile me répondit qu’il venait d’apprendre à quoi on pouvait reconnaitre, avant que son ventre ne commence à le montrer, qu’une chèvre est pleine. Naïf comme tous les citadins, il était sur le point de payer pour deux petites femelles, fort de ses nouvelles connaissances.
Curieux alors, je lui demandai qu’il me fasse une démonstration. Il m’expliqua qu’en pressant simultanément les naseaux et la gueule de la femelle, pendant quelques longues secondes, puis en lâchant prise brusquement, l’animal émettait un son bref, qui tenait à la fois de l’éternuement et du pet.
Incrédule par principe, je voulus essayer personnellement, mais avec cette variante, que mon expérience impliquait un jeune bouc, au lieu d’une chèvre. Lorsque je le libérai de son entrave, et qu’il put respirer de nouveau, le cabri émit le même son que la petite femelle ! Content, mon ami garda évidemment son argent et, tandis que je m’en allais, le berger me suivit de ses yeux qui me lançaient du feu …

mercredi 4 novembre 2009

Fatras en ballade

Je remontais un matin l’avenue Jean-Paul II, avec pour seul horizon, un camion du Service des Voiries, qui était chargé à craquer et que, compte tenu de l’étroitesse de la chaussée et des risques de laisser ce monstre abimer la carrosserie de ma voiture, je n’avais évidemment pas l’audace de doubler. Me disant que j’en aurais pour pas plus de dix minutes de sueurs froides, je me résignerais à suivre cet obstacle jusqu’à la prochaine issue disponible, sur ma gauche ou sur ma droite.
Tirant parti de tout spectacle, je m’étais mis à observer celui des deux membres d’équipage, assis confortablement à même le cargo moelleux qu’ils venaient de collecter, tous deux en train de dévorer un panier de mangues, de la variété la plus filandreuse qu’on connaisse, partant la moins facile à achever, la mangue dite Mango Madan-Blanc [pour ne pas la citer]. Doté d’une dentition complète, l’un des deux compères mangeait deux fois plus vite que son partenaire coq-sans-bec, ce dernier ayant évidemment toutes les peines du monde à bien « ratisser » sa graine pour en extraire un maximum de jus !

Mon histoire serait banale et dépourvue d’intérêt, n’eut été le dénouement pour le moins inattendu. Vers la fin du repas, ayant rassemblé les pépins et les pelures, ils les balancèrent pardessus bord, sans autre forme de procès !