jeudi 19 novembre 2009

Le Postulant

A cette époque-là, dite des resquilleurs, il suffisait qu’un aspirant désireux d’entrer à l’université de son choix, se fit recommander par un parrain-macoute, pour qu’il fût admis à y faire ses études. Naturellement, il fallait [au moins, pour le principe], qu’il se présentât à la salle d’examen.
Le fils de mon voisin, un brillant jeune homme qui tint la tête de sa classe depuis la douzième, jusqu'à la classe de philo, où il allait encotre une fois être le laureat, puis couronné à la distribution des prix [Accessit de Calcul - Accessit de Grammaire - Accessit d’anglais. Prix d’honneur !], n'avait pourtant pas été reçu, en dépit de tout ce qui précède!

Son ami pourtant, élève médiocre, avait pu passer son bac de justesse, et encore après que notre lauréat l’ait beaucoup guidé durant les révisions de toutes ses matières, puis avait été admis à l'université, avec cette variante, qu'il avait été dirigé vers la mauvaise école!

Après avoir célébré leurs succès au bac, les deux copains s’inscrivirent chacun à l’université de son choix ; le Lauréat, à la Faculté des Sciences Appliquées, et l’autre, à la Faculté de Médecine.
Quelques semaines plus tard, lorsque furent proclamés les résultats des épreuves d’admission, notre « fort-en-thèmes » avait obtenu des notes dignes d’un cancre, tandis que le nom de l’autre ne figurait sur aucune liste à l’école de Médecine, où il avait pourtant passé ses examens. A la fin de la journée, quand un ami de ce dernier l’appela pour le féliciter d’avoir été reçu aux Sciences Appliquées, ce dernier s’en étonna évidemment, puis le mentionna à son père, qui se rendit immédiatement au Palais National, pour se plaindre au président, qu’on s’était foutu de son garçon.

« --Ki pwoblem ou ankô, lui demanda celui-ci ? » / « Quel est encore votre problème ?»

« --An ben, ekselans, ti gason m'nan te konpozé lan fakilté medsin, époutan se lan Fakilté dé sians yo voyé-l ! » / « Bien, Excellence, mon fils a composé à la Faculté de Médecine, pourtant ils l’ont mis à la Faculté des Sciences Appliquées !»

Immédiatement, le président téléphona à un responsable du Bureau des Examens, à qui il exposa la situation de son jeune protégé.
Il y avait eu une erreur en effet, mais il était hélas, déjà trop tard pour faire quoi que ce soit, les résultats ayant été déjà publiés.

Alors, ayant raccroché, puis se tournant vers son ami, le président exaspéré lui dit tout simplement ceci :

« --Gadé non ou-menm ; ba moun zorey yo ! Yo mété ti bway la lan jéni, kité li fè jéni ! » / «--Dites donc : de quoi vous plaignez-vous ? Votre garçon a été admis à la Faculté des Sciences, alors laissez-le faire ses études de Génie, et foutez-moi la paix ! »

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